Examen clinique
Un épagneul breton de 10 ans est présenté suite à l’apparition soudaine d’une boiterie sans appui de l’antérieur gauche au retour de la chasse. Aucun traumatisme n’est rapporté par le propriétaire et aucune plaie n’est visualisée. A l’examen orthopédique, une douleur vive associée à une instabilité du coude sont mises en évidence. Le reste de l’examen orthopédique est normal.
Hypothèses diagnostiques
L’examen clinique est en faveur d’une fracture engageant la portion distale de l’humérus. Une radiographie du membre antérieur confirmerait cette hypothèse sans difficulté. La notion importante à bien définir est de connaître la cause de cette fracture. En effet, il est important de s’assurer de l’absence d’ossification incomplète intercondylienne qui peut favoriser l’apparition d’une fracture humérale.
Examens complémentaires
Le bilan biochimique effectué ne met en évidence aucune anomalie.
Une radiographie de l’antérieur gauche révèle une fracture complexe : association d’une fracture oblique longue de l’épicondyle huméral médial, d’une fracture simple de l’épicondyle huméral latéral et d’une fracture intercondylienne de l’humérus (fracture en Y).
Un scanner des deux coudes est réalisé. Aucun signe d’ossification incomplète des condyles huméraux droit et gauche ne sont observés. Il s’agit donc probablement d’une fracture purement traumatique et non pathologique.
Traitement
Une ostéosynthèse de reconstruction par plaques vissées et vis de traction intercondylienne est réalisée.
Une voie d’abord latérale et médiale combinée est pratiquée. Dans un premier temps, la fracture de la partie médiale du condyle huméral est réduite et stabilisée par la pose d’une plaque LCP pour vis de 2.7 mm. Dans un second temps, la fracture de l’épicondyle latéral est réduite et stabilisée préalablement par une broche de Kirchner de 1.2 mm de diamètre avant d’augmenter la stabilité du montage par la pose d’une plaque de reconstruction pour vis de 2.7 mm. Dans un dernier temps, la fracture intercondylienne est réduite et mise en compression par une vis de traction pour vis de 3.5 mm de diamètre.
Un pansement Robert-Jones est mis en place.
Evolution du cas
Le lendemain de l’intervention, le chien présente un appui partiel du membre opéré. Il est rendu à son propriétaire 48h après l'intervention. Une antibiothérapie est mise en place pour 6 jours (céfalexine à 15 mg/kg BID ; Tsefalen ® 500 mg) associée à un traitement anti-inflammatoire pour une durée de 12 jours (firocoxib à 5 mg/kg SID ; Previcox ® 227 mg). Un repos strict interdisant le saut et la course et préconisant des sorties courtes et en laisse est fortement conseillé durant 8 semaines.
Un contrôle post-opératoire clinique à 2 semaines est réalisé (retrait des points de la plaie opératoire et examen clinique général) et montre une bonne cicatrisation de la plaie opératoire.
Un contrôle clinique et radiographiques est réalisé à 6 semaines et met en évidence une bonne cicatrisation osseuse associée à une absence de boiterie du membre opéré.
Enfin, à 6 mois post-opératoire, l’animal présente un bon état général, une absence de boiterie et la radiographie de contrôle révèle une cicatrisation complète du foyer de fracture.
Discussion
Les fractures du condyle huméral sont fréquentes chez le chien (50 % des fractures humérales), elles sont plus souvent unicondyliennes que bicondyliennes (64%). Les fractures de la partie latérale du condyle huméral sont, quant à elles, plus fréquentes que celles portant sur le condyle médial du fait de la conformation du condyle (51%).
Chaque condyle possède son centre d’ossification séparés l’un et l’autre d’une ligne cartilagineuse. L’ossification du condyle huméral débute à l’âge de deux semaines et se termine à l’âge de huit à douze semaines.
Les animaux âgés de moins de 10 mois peuvent, au cours d’un traumatisme mineur (petits sauts, jeux, chutes, etc.), présenter une fracture du condyle huméral car ce dernier est encore en développement.
Chez les animaux adultes, de plus de deux ans, ce type de fracture est soit consécutif à un traumatisme majeur (accident de la voie publique), soit, dans le cadre d’une activité normale, à une affection sous-jacente fragilisant le condyle. Dans ce cas, il est important de vérifier la présence d’ossification complète du condyle huméral. Les races de type Cocker, Epagneul, Spaniel sont prédisposées à l’OICH. Il est donc important, pour ces races, de vérifier la bonne ossification du condyle lors de boiterie sans appui et aigue suite à une activité normale ou lors de boiterie persistante sans amélioration sous AINS. L’OICH est bilatérale dans 25% des cas.
Le diagnostic peut être difficile et nécessite parfois le recours à l’imagerie avancée. Les radiographies mettent en évidence une fracture ou une fissure intercondylienne mais le scanner reste la technique de choix pour évaluer l’ossification complète ou non du condyle, notamment sur le coude « sain ».
Lorsque le diagnostic de fracture du condyle huméral est confirmé, une chirurgie correctrice est à envisager dans les plus brefs délais. La réduction précise de ces fractures est essentielle afin de limiter l'arthrose et l'ankylose ultérieures.
Lorsqu’une fissure est mise en évidence par images scanner, dans un cadre prophylactique, le traitement chirurgical est fortement préconisé afin de prévenir boiterie et risque de fracture du condyle : 43 % des individus diagnostiqués avec une OICH présentent une fracture dans les 18 mois qui suivent...