Examen clinique
L’examen clinique révèle des muqueuses pâles, un TRC > 2 secondes, une tachycardie à 120bpm. Le reste de l’auscultation cardiopulmonaire est normale. La température est normale à 38,2°C. La palpation abdominale est non douloureuse, mais un gonflement abdominal est noté, avec un « signe du flot » positif. Une échographie abdominale FAST révèle la présence d’ascite. L’analyse de ce liquide après ponction montre un hémoabdomen.
Hypothèses diagnostiques
Le diagnostic différentiel de l’hémoabdomen comprend :
- une intoxication aux anticoagulants,
- une rupture de masse,
- une torsion d'organe
- ou un traumatisme.
Examens complémentaires
Une numération formule sanguine (confirmation de l'anémie et caractérisation), un bilan biochimique et une échographie abdominale étendue (recherche d'anomalie pouvant expliquer l'hémoabdomen) sont réalisés.
Il est observé une anémie normochrome normocytaire non régénérative avec un taux en hémoglobine à 5,5g/dL. Une leucocytose neutrophilique (neutrophiles à 14,41 x10^9/L) et une thrombopénie (taux de plaquettes à 85K/microL) sont également notés. Le bilan biochimique est sans anomalie.
L'échographie abdominale montre la présence d’une masse splénique de 7cm environ. Cette masse est à l’origine d’un saignement abdominal aiguë, provoquant une anémie. Au vu de l’âge de Nala (14 ans), une origine néoplasique est retenue en priorité (hémangiosarcome). Une origine bénigne (hémangiome notamment) voire traumatique (hématome) est également possible.
Prise en charge et suivi
La prise en charge de l’hémoabdomen consiste à identifier et traiter la cause du saignement, rétablir une bonne perfusion sanguine et lutter contre l’anémie.
Ainsi, une splénectomie a été réalisée, associée à une transfusion de 500mL de sang frais durant et après la chirurgie. Le lendemain, le taux d’hémoglobine est mesuré à 6,8g/dL, et la numération plaquettaire est revenue dans les normes usuelles à 157K/uL. L’état clinique de Nala a continué par la suite à s’améliorer. L’histologie a révélé un hématome splénique. Aucun bilan d’extension n’a donc été réalisé.
Discussion
Une ascite peut être qualifiée d’hémoabdomen lorsque son hématocrite dépasse 10 à 15%. Les causes les plus fréquentes incluent les origines traumatiques (abdominocentèse, accident de la voie publique), toxique (intoxication aux anticoagulants de type anti-vitamine K1), et tumorale (masse splénique, carcinome hépatocellulaire). Une thrombopénie peut également être à l’origine d’un saignement abdominal, mais il faut pour cela que la numération plaquettaire soit inférieure à 40 000 plaquettes/microlitre. Dans le cas de Nala, la thrombopénie mesurée est la conséquence de la masse splénique (thrombopénie par séquestration). Une infiltration tumorale de la moelle osseuse (cancer de stade V) ne peut en toute rigueur pas être exclue sur la seule base de l’hémogramme. Un myélogramme aurait été nécessaire pour exclure cette hypothèse. Mais cet examen n’a pas été réalisé en première intention vu l’urgence du saignement abdominal.
En cas de splénomégalie, une origine néoplasique est retrouvée dans 32% des cas dans une étude1 . Parmi les origines néoplasiques, l’hémangiosarcome représente 44% des cas, le lymphome 10%1. Les autres origines néoplasiques incluent notamment le leiomyome et le sarcome histiocytaire. Au sein des hyperplasies bénignes, l’hyperplasie nodulaire représente 28% des cas, et les hématomes 12% des cas1.
Dans le cas de Nala, l’hypothèse privilégiée a d’abord été un hémangiosarcome. En effet, 63-70% des chiens présentant une masse splénique associée à un hémoabdomen non traumatique sont atteints d’hémangiosarcome2. De plus, les tumeurs spléniques touchent principalement les chiens d’âge avancé, ce qui est le cas pour Nala. Lors de découverte d’une masse splénique fortuite chez un chien, hormis un contexte d’hémoabdomen, 1/3 à 2/3 des masses spléniques sont liées à un processus tumoral, et 2/3 des processus tumoraux sont des hémangiosarcomes2. L’examen cytologique peut permettre de mettre en évidence des nodules bénins, ainsi que des tumeurs autres qu’un hémangiosarcome. Pour ce dernier, la cytologie est souvent non diagnostique en raison d’une hémodilution importante.
Concernant Nala, l’urgence de la prise en charge n’a pas permis la réalisation bilan d’extension complet (type tomodensitométrie), ni à une analyse cytologique pré opératoire.
Ce cas montre l’importance d’une prise en charge rigoureuse et efficace. La splénectomie, associée à la transfusion sanguine, ont permis le rétablissement rapide de Nala. Par ailleurs, malgré une forte suspicion de néoplasie splénique initialement et telle que décrit dans la littérature, Nala a déjoué les statistiques (hématome splénique) et s’est remise sans séquelle.
Bibliographie
- SPANGLER WL, CULBERTSON MR Prevalence, type, and importance of splenic diseases in dogs: 1480 cases (1985-1989). JAVMA, 1992, 200, 6, 829-33.
- Enseignement de CEAV, Dr. Vet. Gabriel Chamel, Unité de cancérologie, Service de médecine interne, Vet Agro Sup, vétérinaire à la clinique AniCura Armonia ; “Prise en charge médicale des hémangiosarcomes spléniques chez le chien”